Comme il vous plaira… (mais cela n’y changera rien !)
Le monde entier est une scène de spectacle
Où hommes et femmes ne sont que des acteurs;
Chacun y fait ses sorties comme ses entrées,
Et tout homme au cours de sa vie joue plusieurs rôles ridicules
Composant un drame en sept âges. Tout d’abord, l’enfant,
Dirigeant par ses caprices des parents démissionnaires.
Puis, l’adolescent rebelle, réfugié dans son propre univers,
Habillé comme une serpillière et épongeant toutes les modes qui passent.
Il s’en va en lanternant vers son lycée où il s’empressera d’oublier
Ce qu’il n’a pas appris. Vient ensuite l’étudiant,
Sans un sou et sans espoir, partageant son temps
Entre études sans avenir, jobs sous-payés et beuveries chroniques.
Puis l’employé dynamique, en quête perpétuelle de reconnaissance,
Appâté par le gain, soucieux de maîtriser les dernières nouveautés
Pour mieux s’exhiber en public avec tous ses gadgets électroniques.
Il recherche la réussite ostensible à laquelle sa voiture dernier cri,
Sa jolie femme et ses deux enfants, participent pleinement.
Vient alors le directeur, impatient, hautain, à l’ambition intacte
Mais désireux d’oublier son divorce difficile et sa paternité intermittente
Par un second mariage avec une femme plus jeune de vingt ans.
Ainsi joue-t-il son rôle dans cette tragédie absurde…
Le sixième âge est celui des voyages organisés à travers le monde,
Des activités en tous sens, des petits-enfants dont on espère tant
Avant que la vue par trop ne baisse, que les forces ne disparaissent,
Que l’isolement et la solitude ne s’installent,
Ne laissant comme seules occupations que des souvenirs ruminés,
D’incessants bilans de santé, des soins à satiété
Et un vieux téléviseur, unique interlocuteur
Si l’on oublie les rares appels d’une famille éclatée
Qui forcément vit ailleurs. La scène finale,
Qui met un terme à cette histoire étrange et mouvementée,
N’est autre qu’une seconde enfance, dépourvue de mémoire,
Sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien du tout.
© 2008 L'Œil