Héritage

Héritage

"Vois-tu, mon fils, ce monde qui s’étend là sous tes yeux sera un jour sous ta seule responsabilité. Il te faudra te battre comme un lion pour le sauver, vu ce que nous en avons fait jusqu’à présent… Ne va surtout pas croire que les générations qui t’ont précédé étaient lâches, aveugles, cupides, irresponsables, hypocrites ou arrivistes, non, bien sûr que non ! Comment pourrais-je m’imaginer, moi, dans un tel rôle ? Non, le problème est plus complexe… La vérité provient simplement du fait que les précédentes générations n’ont jamais pris la peine de se distinguer sensiblement les unes des autres : voyant leurs ancêtres tirer pleinement profit de ce monde, elles en ont toutes fait autant…

Moi, qui fais encore partie de ces générations, je l’ai bien constaté et ceci ne peut plus convenir à ta génération, si souvent désœuvrée… En cassant si courageusement cette tradition séculaire, nous offrons à toute ta génération, nous, les derniers de cette époque révolue, un nouvel élan de vie à travers l’incommensurable travail de sauvegarde de cette planète, de sa vie et de la richesse qui s’y est toujours développée. Oui ! Ce monde, tel que tu le vois, c’est dans ton intérêt, dans celui de toute ta génération, que nous avons choisi de ne jamais y intervenir de la sorte. Cela donnera enfin un Sens à l’existence de chacun d’entre vous, tu sais…

Ah ! Se battre comme un forcené avec l’insoutenable peur de se voir anéanti dans moins d’une cinquantaine d’années par toute la ruine aveuglément méthodique de cette société que vous n’avez pas engendrée, ça, c’est l’aventure ! Une extraordinaire épopée humaine en vérité ! D’ailleurs, sache que cela t’écartera définitivement du pire des fléaux frappant actuellement les sociétés industrielles hautement évoluées comme la nôtre : l’ennui !

Ah, je t’aiderais bien dans ce combat, tu sais, mais ce sont les jeunes qui doivent prendre les choses en main dorénavant. Moi, j’en ai tellement profité dans ma longue existence qu’il me faut maintenant souffler un peu, me reposer, tenter d’apprécier les dernières belles choses de ce monde avant qu’elles ne disparaissent très certainement…

Vois-tu, mon fils, je t’offre ce monde parce que je t’aime, car si je ne t’avais pas aimé, jamais je n’aurais pris le soin tout particulier (comme tant d’autres pères en même temps que moi) d’éviter de faire tous ces efforts sur le long terme pour ainsi te permettre de tous les assumer, de tous les supporter, toi, mon fils, toi et toute ta génération !

C’est un honneur pour vous que d’avoir à porter le fardeau de toute l’inconscience collective, passée et présente, de l’humanité au grand complet !

Les enfants ne servent qu’à cela !"

© 2008 L'Œil