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5 avril 2020

Vacances d'été

Ce sont les vacances d’été. Enfin ! Les citadins vont pouvoir quitter pour deux ou trois semaines leur quotidien morne fait d’embouteillages réguliers, de chauffards hautains, de pollution niée et d’une incroyable palette de gris entretenant l’euphorie des laboratoires pharmaceutiques.

Outre le monstrueux périple qui les mènera sur le lieu de leurs vacances, ils pourront ainsi savourer un repos bien mérité en s’entassant toute la journée les uns sur les autres sur la plage comme se garent les voitures sur un parking de supermarché; le soleil deviendra leur précieux compagnon quotidien dans leur détermination à mourir d’un cancer de la peau dans les proches années à venir, à pousser leurs enfants – parfois encore nourrissons – à de dangereuses déshydratations ou insolations, ou encore à s’exposer à des hydrocutions foudroyantes en se jetant subitement dans l’eau froide de la mer. À la plage, les occupations ne manquent jamais. Et ce ne sont pas les sauveteurs qui diront le contraire !

Au milieu de cette foule compacte où les gens se marchent dessus, s’invectivent et s’épient dans une constante quête de liberté égoïste, d’exhibition et de séduction, nombreux sont ceux qui tenteront le délectable moment d’un bain de mer, en évitant toutefois les idiots qui braillent et gesticulent juste à côté, ceux qui nagent dans tous les sens sans regarder où ils vont et, bien entendu, les courants trop forts qui emportent quiconque vers le large ou vers le fond. Mais après tout, qu’importe ces petits détails mesquins quand le plaisir de se baigner dans des eaux verdâtres, opaques et acides, au milieu d’algues fluorescentes éminemment naturelles, de détritus en tous genres flottant à la surface et de boulettes de goudron cancérigènes, reste intact !

Et que dire de cet autre plaisir qui consiste à ramasser des coquillages abandonnés par la marée sur la plage ! La société moderne fait tellement bien les choses que ceux-ci s’échouent dorénavant sur la grève déjà emballés dans un sac plastique – tapissant d’ordinaire le fond des océans – pour être emportés plus facilement.

Mais la plage, en été, c’est surtout pour les vacanciers la possibilité de se délecter des merveilleux corps qui s’exhibent un peu partout : entre les grands-mères qui testent en temps réel l’élasticité croissante de leur peau, les mâles grisonnants au ventre en forme de ballon de baudruche qui s’estiment encore séduisants, les adeptes du grignotage à toute heure qui vérifient sans cesse s’ils n’ont pas oublié un bourrelet à la maison, les apollons en solde au corps plus ou moins bodybuildé et au sourire figé du « Joker » ainsi que les minettes en chaleur dont la minceur rend quotidiennement hommage aux rescapés de Buchenwald, chacun trouvera toujours une bonne raison de rester… ou de fuir !

Cependant, beaucoup en été ne partent pas à la mer ! Certains préfèrent en effet partir en montagne pour y pratiquer de longues marches, seulement munis d’une paire de tongs et d’un minuscule sac à dos, histoire de vérifier en combien de temps les secours viendront les récupérer en hélicoptère, aux frais du contribuable, lorsque l’orage les aura immobilisés en pleine nature.

D’autres se contenteront plus sagement d’enchaîner les hauts lieux touristiques, noirs de monde en cette saison, afin de s’assurer qu’ils n’en retiendront rien à part quelques photos numériques classiques et quelques cartes postales aseptisées.

D’une certaine façon, les vacances d’été sont comme les vacances d’hiver : les gens veulent avoir à tout prix l’impression d’exister; c’est pourquoi ils font tout le contraire…

 

© 2008 L'Œil

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