FABLE - Le Géant et les Vingt-cinq Nains
Le Géant et les Vingt-cinq Nains
Un Géant vivait seul et serein
Sur une vaste et lointaine île;
Il s’y plaisait plutôt bien,
Le coin étant tranquille.
Il savait très certainement
Qu’à l’autre bout de l’Océan
Vingt-cinq Nains épiaient aveuglément (1)
Le moindre de ses mouvements.
De cela, pourtant, il ne se souciait jamais :
Un puissant, souvent, n’a que faire
De ce que pensent vraiment ses valets.
Le Géant, bien au contraire,
Se sentait plutôt flatté
De s’imaginer sur cette Terre
Par tant de monde adulé.
Il était tellement grand
Que tous pouvaient le voir;
Le monde unanimement
Le considérait comme son Phare.
C’était bien plus que de l’admiration :
Chaque geste devait être imité,
Chaque pensée tout de suite acceptée.
Il s’agissait d’une véritable vénération. (2)
Le groupe de Nains, toujours un peu retors,
N’échappait pas à cette fascination,
Mais prétendait toutefois haut et fort
Être à l’abri de toute exagération :
« Notre bon sens, disaient-ils, fait notre union
Et nous assure plus de circonspection ! »
Le jour arriva vite cependant
Où les choses basculèrent brusquement
Lorsque le très insouciant Géant
Se lâcha bien inopinément :
Il « dégaza » si puissamment dans l’air
Qu’on l’entendit à l’autre bout de la Terre !
Un tel pet ne pouvait que posséder toutes les qualités
Dont certains avaient toujours rêvé
Dans l’espoir de se faire remarquer. (3)
Les Nains, au demeurant tous compères,
D’un tel outrage cependant s’offusquèrent.
Pareil acte leur parut si répugnant
Que tous jurèrent dans leur emportement
De ne jamais imiter un tel comportement.
L’incident finit toutefois par choir
Dans les vastes limbes de la mémoire.
Tant et si bien, ô sublime Hasard,
Qu’on retrouva nos Nains un an plus tard,
Fiers d’accomplir en chœur leur devoir
En exhibant leurs beaux et blancs pétards.
Chacun visait ainsi la stratosphère
Au moment où tous se soulagèrent
D’une dense et putride flatulence :
La déflagration fut immense.
Hélas ! Les Nains bien vite déchantèrent
Lorsque d’infects effluves imprégnèrent l’air :
De tous les immondes relents
Issus du vieux pet de l’impétueux Géant,
Aucun n’avait atteint leurs lointaines frontières !
Ils n’avaient donc étudié que l’effet de serre
Sans prendre en compte la qualité de l’air;
Tant et si bien que les Nains s’asphyxièrent.
La morale de cette sombre histoire ?
Bon sens n’est pas synonyme de retard.
(1) Il n’y en avait que vingt-cinq au moment de l’écriture de ce texte.
(2) En vérité, autant de sombres Pigeons
Qui d’un Corbeau toutes les paroles gobent
Et ce, quelle que soit la région
Que l’on puisse désigner sur ce globe !
(3) On en tira une bien célèbre phrase
Qui résume la chose sans emphase…
C’est ce que l’on nomme une fable dans le vent !
Nul ne saurait dorénavant contester le fait que l’humanité progresse à pets de Géant…
« Un petit pet pour moi, un grand pet pour l’humanité ! »
© 2008 L'Œil